Interview d’Etienne Grass d’Electric Bazar Cie

A l’occasion de leur passage au Jardin Moderne à Rennes pour un concert sous chapiteau, le chanteur d’Electric Bazar Cie a bien voulu répondre à quelques questions. Réponses du bluesman du groupe qui voyage derrière son micro et sa guitare depuis maintenant 15 ans.

- Bonjour ! Est il possible de nous raconter l’histoire du groupe depuis sa création ?

Etienne : t’as du temps devant toi ?! Effectivement ça fait 15 ans qu’on existe, on s’est formés en 1998 à Rennes, on jouait dans la rue, en acoustique, période chanson française gypsy, on faisait un peu les bistros aussi. C’était pas la même formation qu’aujourd’hui, il y avait un violoniste. On s’appelait Retire tes doigts. Au fur et à mesure des années, je vais pas tout te raconter sinon ça serait trop long, on a été rejoints par un accordéoniste, on a fait plein de voyages. Puis en 2005 on a décidé de sortir notre premier disques; c’est là qu’on a changé de nom pour Electric Bazar Cie, Retire tes doigts c’était une bonne blague qui avait assez duré ! Depuis 2005, on a sorti un disque en 2007, un live en 2009, un autre en 2010 et puis là c’est un petit album six titres. Entre temps l’accordéoniste est parti, remplacé par un clarinettiste, le contrebassiste du début est parti remplacé par un autre contrebassiste. Là récemment le violoniste est parti récemment donc on est plus que quatre pour cette formule.

etiennegrass2- Le son a évolué au fur et à mesure ?

- On est partis de quelque chose d’un peu acoustique et gipsy pour arriver à quelque chose de toujours ancrés dans les musiques du monde, mais avec un truc très américain dans le son rock fifties, blues et rocailleux. Voilà un peu où on en est maintenant entre les musiques bulgares grecques et les musiques américaines ! En tous cas en quinze ans on a continué à évoluer, on n’a pas trouvé la recette et c’est tant mieux !

- Le chant majoritairement en anglais, ça vient de cette influence là ?

- J’ai beaucoup écouté de musiques américaines quand j’étais jeune, très peu de chanson française du coup j’ai pas cette culture là, et naturellement c’est beaucoup plus facile pour moi d’écrire en anglais; au niveau de l’émotion ça me parait plus facile à transmettre.  Après je me force à écrire parfois en français, pour donner du sens et parler directement aux gens, notamment en concert; c’est important d’accrocher, de raconter un peu qui on est. Sur le dernier disque en tous cas on n’en a pas fait du tout en français, cinq en anglais et un instrumental.

- Ce nouvel album Seamen & Travellers est assez court, et en plus vous le sortez sur un vinyle; pourquoi le choix de ce format totalement obsolète ? (personnellement, j’ai jeté mon gramophone !)

- Il est sorti en vinyle avec une carte de téléchargement numérique. Tous les autres disques, on les avait sortis en physique, avec de beaux packagings, c’était important. Mais le dernier disque qu’on a sorti n’a pas été vendu tant que ça, comparé aux précédents. Tout comme nous, on s’est aperçus que beaucoup de gens écoutaient la musique sur leur ordinateur. En faisant une série limitée de 500 exemplaires du vinyle, pour lequel beaucoup de gens ont souscrits, on prend moins de risque financier. Et le vinyle ça faisait longtemps qu’on voulait en faire un. Donc on s’est dit quitte à pas vendre de disques autant le faire maintenant ! Il y a aussi l’idée de faire des séries limitées, une formule de maxi pour en faire régulièrement, plutôt que faire un disque tous les trois ans. Déjà qu’on est pas supers rapides dans la compo…

- Justement au niveau des compositions, ça fonctionne comment dans votre groupe ? Vous mettez le bazar dans une pièce jusqu’à ce que ça sorte ?

- On a souvent fonctionné comme ça ! Les mélodistes proposent des thèmes, moi j’arrive avec des textes et on essaye de mélanger les idées de tout le monde. C’est pas non plus figé, personne n’arrive avec « on va faire l’intro comme ça, la suite de cette manière »; ça peut partir d’un riff de guitare ou d’aures chose. On essaye de chacun bosser d’abord dans notre coin, et d’arriver avec de la matière, mais on fait pas des bœufs interminables en attendant qu’il y ait un truc révolutionnaire qui sorte !

- Pourquoi ce titre de Seamen & Travellers ?

- C’est un peu la continuité des aventures des années précédentes; on a participé à un spectacle sous chapiteau qui s’appelle Avolo, dont on faisait la musique, un spectacle qui tourne toujours. C’est un chapiteau transformé en cale de marine marchande, et qui raconte l’aventure d’un équipage. On a eu toute une écriture là dessus, sur ce thème là, d’où le monde de la mer, du voyage, de la marine, de la solitude. On a été rencontrés des marins, on s’est beaucoup impliqués, donc en sortant de cette expérience, on avait la tête vraiment là dedans et c’était intéressant de continuer l’écriture là dessus.

- Il y a beaucoup d’influences du voyage dans le son; déjà dans Psychotiko il y avait le rebetiko, vous évoquez à nouveau la Grèce sur « Streets of Rethymnon ». Vous voyagez d’abord et vous écrivez ensuite, ou vous écrivez pour voyager ?

- On voyage depuis la Bretagne plutôt ! Le clarinettiste bouge beaucoup, il est énormément dans la recherche de sons et de musiques traditionnelles. En centre Bretagne, la Kreizh Breizh academy avec le travail d’Erik Marchand mélange déjà le traditionnel avec les musiques roumaines par exemple; le clarinettiste et le contrebassiste en ont fait partie, ils sont assez pointus sur la musique modale, et ça se mélange avec mon côté plus rock.

- Le fait d’avoir pas mal d’influences des musiques de l’est ça ne vous incite pas à faire des tournées dans ces pays là ?

- Si, on aimerait bien; on a été joué pas mal dans l’est à un moment, plutôt Tchéquie, Pologne, Hongrie, mais on a pas encore fait notre voyage initiatique ! On aimerait bien faire un échange avec un groupe turc, c’est dans les cartons, mais c’est difficile à monter, il faut des sous. On est quand même bien lotis au niveau des échanges en Bretagne, mais c’est pas si évident que ça à organiser.

- Et toi personnellement, tes influences principales, quelles seraient-elles ?

- Outre le blues que j’ai beaucoup écouté, le côté rock a billy aussi, j’aime beaucoup Tom Waits, tout les trucs un peu déglingos, ça me parle à fond. Dans la démarche et dans l’énergie j’ai été aussi très fan de la Mano Negra. On bosse avec les Ogres de Barback qui sont dans une démarche « do it yourself » et c’est quelque chose que j’apprécie.

« J’ai des images de la Mano qui monte son spectacle de ville en ville. »

- La tournée sous chapiteau du coup c’est vraiment dans cet esprit ?

etiennegrass1- Carrément ! Moi j’ai les images de la Mano en Amérique du Sud qui monte son spectacle de ville en ville; nous on est avec notre petit chapiteau, on va de bled en bled, finalement on est pas loin du compte sauf qu’ici il pleut ! On avait jamais réellement une tournée de sortie de disques comme les gros groupes, du coup quitte à pousser l’idée du voyage jusqu’au bout, on s’est dit qu’on allait la faire nous même puisque personne nous la propose ! Des copains avaient un chapiteau, le sonorisateur a son matériel, on a les lumières, l’équipe; on a bossé une semaine en résidence à Run Ar Puns à Chateaulin pour bricoler, faire la déco. Du coup on est supers contents, on va faire douze dates en Bretagne où on fait tout du début à la fin. Du coup on propose aussi ce qu’on aimerait voir, on adore les chapiteaux où on se sent super bien, où c’est beaucoup plus convivial avec le public.

- C’est uniquement une tournée concert où il y a un spectacle aussi ?

- On est partis sur un univers forain, et du coup on a poussé le vice jusqu’au bout en voulant faire des numéros. On a donc écrit quelques trucs forains, des petites scènes de cirque un peu branque , pour une première partie qui dure 45 minutes. On s’est tous retrouvés avec les techniciens pour faire ça, avec chacun une idée du type « moi je vais faire le lion », « moi je vais faire ça ». Ça nous sert aussi de laboratoire, pour tester plein de choses sans pression.

- Est ce que c’est une manière de se détacher du système musical traditionnel existant ?

- Si on avait 80 dates à l’année et qu’on vendait plein de disques, peut être qu’on se poserait pas la question de sortir du « schéma ». Encore que, à un moment où on tournait beaucoup plus, on trouvait qu’il y avait quelque chose qui clochait. On est pas spécialement fait pour les grosses salles, les gros festivals, on est mieux dans la proximité. Du coup là c’était plutôt essayer de faire le concert dans les meilleurs conditions pour le groupe et le public, à la taille d’un café concert. Après c’est pas non plus « fuck au system » car on a quand même des co-productions avec des salles; mais on fait à notre sauce, comme pour le disque et cette tournée qui sont auto-produits.

- Ce soir vous jouez au Jardin Moderne; c’est quoi votre histoire avec ce lieu ?

- C’est pas la première fois qu’on vient, on a déjà joué plusieurs fois, et notre chargé de production pour Electric Bzar Cie et les Actifs Toxiques a son bureau ici. Quand on a des choses à monter on vient bosser ici, et c’est pas la première fois qu’on y monte un chapiteau.

- Ton dernier coup de cœur musical ?

Je suis fan d’un label suisse allemand, Voodoo Rhythm records, basé à Luzern, dont le grand gourou s’appelle Reverend Beatman et je suis hyper fan de ce mec là. C’est one man band garage blues. Et le label a plein de groupes super bien comme The Dead Brothers.

Découvrez le teaser du spectacle Avolo et retrouvez Electric Bazar Cie sur leur site.

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