Une série noire. Après la fermeture de la Vie Enchantiée, les problèmes de bruit au Sambre, c’est au tour de la Quincaillerie générale de connaître des déboires. Ce qui pour un bistro, n’est pas du meilleur effet.
La Quincaillerie Générale, rue Paul Bert, est un lieu plus que sympathique tenu par Rodrigue et Laurence depuis janvier 2010. Un café qui accueille régulièrement les activités de l’association Photo à l’ouest, des bœufs en tous genres, des compagnies de théâtre, des petits concerts, des expositions. La vie culturelle normale d’un endroit convivial, soutenant des projets locaux, collectifs.
Et voilà, La Quincaillerie est fermée comme elle le dit « de son plein gré ». Citation.
Nous avons été réveillé ce matin par la police nationale qui souhaitait nous rencontrer dans les plus bref délais, car la mairie leur a signalé à quel point l’activité du bistrot la quincaillerie générale était bruyante. Je vous passe les détail sur la façon dont j’ai été reçu, le résultat étant : Interdiction de concert et menace de fermeture. Tout se fait en sous main, sous forme de délation. Nous ne savons même pas les contenus des courriers des plaignants. Quelle part de diffamation? Nous nous retrouvons au commissariat comme si nous étions des bandits, parce que quelqu’un à joué de la guitare ou du piano !
Comme le souligne Rodrigue » Il y a des pays où les gens aimerais bien avoir en dessous de chez eux un bar avec de la musique. Qu’est- ce que nous voulons ? Une ville silencieuse ? ». Non. Les artistes ont besoin de lieux d’échange, les gens ont besoin de sortir et d’échanger eux aussi. Partout en France, le problème est devenu majeur : les cafés concerts sont-ils voués à disparaître ? Devrons-nous prochainement utiliser des boites à cris pour nous défouler, et ne plus communiquer que par écrans interposés ? La vie culturelle nocturne d’une ville est essentielle. Défendons là.
Pour le soutien, rendez vous à la Goguette de la Quincaillerie vendredi 1 mars !
ajout à l’article le 03/03/2013 : il y a eu du monde à la Goguette. La Quincaillerie Générale reste ouverte. Mais restons vigilants.
Plus d’infos sur la page facebook de la Quincaillerie Générale.
Faites tourner !
c’est clair c’est compréhensible ! si encore la quincaillerie cautionnait la guerre au mali pour l’uranium areva et les marchand d’armes ! pardon la lutte contre le terrorisme !
Je me souviens de ce temps, où à Rennes, il y eu cette étrange prise de pouvoir.
Nous étions gosses, ou presque.
Au culot, je m’étais pointé un jour dans cet immeuble, immense, qui enjambait la rue de Brest. Là, au dernier étage desservit par les ascenseurs, j’avais posé mon cul sur un pallier en attendant que le destin vienne.
Il était venu, au bout de près de trois-quart d’heures. Un mec tout maigre, face presque émaciée, et son joli sourire …
- Qu’est ce que tu fais là ? me demanda t-il …
- Je veux faire de la radio !
- De la radio ? Vraiment ?? T’as quel âge ?
- Dix huit …
- On t’en donnerait 16, bon allez, viens avec moi !
Il ouvrit une petite porte, on grimpa quelques marches, pour arriver dans une antre à la décoration chamarrée. Ca grouillait là dedans : plein de têtes que je connaissais pas, mais qui pour la plupart m’accueillirent par un sourire. J’étais enfin arrivé dans le saint des saints : devant mes yeux le studio, une table ronde avec un globe au milieu qui s’éclairait pour signifier la prise d’antenne. Juste derrière, une paroi de verre, un technicien casqué qui menait les opérations.
Luc salua tout le Monde joyeusement d’un « comment ça va les filles ?? » et tandis qu’il m’entrainait vers la technique, me demanda :
- Tu t’y connais un peu au moins ?
- J’apprends vite, lui dis-je.
- Et niveau disques ??? Ca serait bien que tu ramène un peu des tiens !
Je lui répondis, étourdis à l’idée que ça avait marché, et rougissant de tout mon être :
- Pas de problèmes, je ramène les miens …
Il me regarda, un bref instant, puis me dit comme si de rien n’était :
- Alors c’est bon, maintenant, regarde comment ça marche !
Il était amusant, Luc, il avait ce côté virevoltant permanent, mais qui cachait mal quelque chose de désabusé, d’un peu lointain, que du haut de ma sensibilité épidermique, je prenais alors pour une sorte de « rejet », plus ou moins conscient. Il n »en était rien, je le sais aujourd’hui, mais alors, les choses étaient bien différentes dans mon pauvre esprit. Il me montra patiemment les différents registres du travail de technicien, sur les vieilles platines à galets récupérées à France-Inter.
- Mais fais gaffe, de temps en temps, on sait pas pourquoi, la platine part à l’envers et éjecte les têtes, il y a un truc qui déconne, on fait avec … »
Je me retournais de temp en temps pour regarder la vue splendide du haut de ce dernier étape, qui mettait littéralement Rennes à nos pieds. C’était .. lumineux, je ne saurais pas mieux le dire, lumineux … Surtout pour un petit gars sorti de son bled, tout juste relevé de ce que l’urbanité avait de beau, d’impersonnel et quelque part, de merveilleusement bordélique …
- Ehh, t’écoutes quand je te parle ??? Prépare un disque ! Choisi ce que tu veux … C’est toi qui enchaine, on va voir comment tu te démerdes …
Je me penche vers les bacs, je parcoure les vinyles, à la recherche de la perle : il y a foison là dedans : tout ce qui fait l’alternatif est représenté. Mon regard croise tous les labels de 4AD à Mercury, en passant par les plus improbables. Des artistes que je connais, d’autres que je ne connais pas, je dois faire un choix … « Tiens : baroque Bordelo, justement, passe entre mes doigt. Je sélectionne un album, je pose la galette avec précautions sur la platine, je pose un casque sur ma tête, je cale au mieux que je peux sur les conseils du tech et de Luc, et c’est parti, direct, pour le grand bain … J’enchaine à la table, comme si j’avais fais ça toute ma vie … Les deux se regardent et sourient.
- J’en ai marre de me faire les Programmes musicaux de la Trinquette tous les soirs, si ça te dit, on alterne, moi ça me laissera enfin du temps !
Et c’est parti ! trois soirs par semaine, me voilà aux platines de 22 heures à peu près à 1 heure du mat’. Et je m’éclate, grave, en passant des titres que parfois je connais, parfois que je découvre en même temps que les auditeurs. Ca me fait un bien fou … Et je me dis parfois que si ça peut faire à chaque auditeur la moitié du bien que ça me fait, alors ça n’est pas du temps perdu …
Je fais la connaissance rapidement des gens qui me précèdent.
On est en 1983 … La période est particulière, et Radio-Savane est tout aussi particulière. Tous les jeudi, l’antenne est réservée à l’assemblée hétéroclite de ce qui deviendra plus tard, le mouvement gay et lesbien. C’est une formidable liberté de ton et d’expression, directement issue de 1981 et de la libéralisation des ondes. Les émissions qui vont avec, leur contenu, ce qu’on y vit aussi, seraient presque impossibles à croire aujourd’hui, tant l’élan libertaire qui s’y exprime est total, et ce que je vois se dérouler devant mes yeux, me fascine, m’interpelle avec une force que j’ai bien du mal,encore aujourd’hui, à parfaitement décrire.
En plus des PMT, j rejoins une équipe très particulière, qui anime le vendredi soir une émission très particulière : « Nicolas et suce-moi la prunelle ». La liberté de ton y est telle, que nous-nous produisons sous des pseudonymes. Tout y est permis, certaines émissions sont é-nor-mes !!! Mais d’une certaines façon, nous sommes aveugles : pas de mesure d’audience, ce qui paradoxalement, nous assure une liberté d’être encore plus grande …
Et puis, un jour … Je fais du stop, sur les quais, en direction de Beaulieu …
Une voiture s’arrête, la vitre descend. Un père de famille, ses deux mioches à l’arrière …
- Vous allez vers Cesson ? Montez !
Embouteillages, on se met à parler. Banalités d’usages, quand progressivement j’entend derrière les deux garçons qui chuchotes malicieusement en me regardant … Je ne dis rien. Le père les regarde, me regarde, et puis tout à coup me demande :
- Dites donc, vous ne feriez-pas de la radio, vous le vendredi soir ???
Bref moment de panique. Me voila fait comme un rat, démasqué par un bon père de famille qui a vu derrière la façade de l’étudiant bafouillant et empoté, l’horrible visage du corrupteur.
Je reste cois, quelques secondes qui semblent une éternité, avant de répondre piteusement :
- Euh, oui …
…
- « Sacré bon sang de bonsoir » – et là tous éclatent de rire quand il me file une grande tape dans le dos – qu’est-ce que vous nous faites marrer ! On ne loupe pas une seule de vos émissions en famille (… là je me liquéfie intérieurement en repensant aux propos qui y sont tenus) … Vous attendez, vous êtes …
- Poseidon ! répliquent les deux mioches, en éclatant de rire de plus belle …
Et Poseidon d’ouvrir de grands yeux décomposés en repensant à nouveau au contenu de ladite émission, qui à n’en pas douter aujourd’hui, verrait en moins de 10 minutes débarquer les RG, les stucs, et pourquoi pas la brigade des moeurs, en plein milieu de l’antenne, tandis que le père et ses gamins racontent que dans le quartier, tout le Monde attend de nous entendre, parce que ça leur fait du bien. Parce qu’entendre ces cons à peine sortis de l’adolescence dégoiser toutes leurs conneries, ça fait du bien, ça met un peu de folie dans un temps difficile … ça libère … Ca libère la parole, ça libère les coeurs …
Dieu, que ce temps me parait loin … Rennes … Rennes la bourgeoise, était pour un temps devenue « Rennes la jeune, Rennes la rebelle », Rennes la : j’en ai rien à foutre du bruit, de la musique à pas d’heure, des Transes apoplectiques » …
La Rennes que j’ai aimé, qui m’a accueilli, moi le gamin sans nom, sans images de lui-même, le fou qui s’ignorait, fils de …
Rennes me manque. Affreusement.
Cette Rennes là, me manque, à m’en déchirer le coeur, par moments. Mais, peut-être n’a t-elle été qu’une illusion.
(… Merdre !)
Rennes, la rue de Paris se meurt ,le Rat qui tousse est mort à force de s’époumoner, la rue de Chateaudun croule sous les façades des boutiques fantômes.
Dans le quartier, il reste la rue Paul Bert et LA QUINCAILLERIE GENERALE, bistrot original, qui s’efforce de maintenir une vie culturelle et associative de qualité.
Transformez le en bar muet, et c’est une condamnation à terme.
Pas grave, on passera le temps à picoler devant notre tele, sans faire trop de bruits.
A quoi ça sert de payer un loyer et des taxes d’habitation hors de prix si ce n’est pas pour que notre ville ressemble un minimun à celle que l’on souhaite?
Y a pas que les intolérants ou ceux qui ont le bras longs qui doivent imposer leurs choix.
Une rennaise qui était auparavant fière de sa ville et de ces lieux insolites actuellement en voie de disparition…