Chez les trompettistes de jazz il y a eu Louis Armstrong, Miles Davis, Chet Baker, puis plus récemment Éric Truffaz, et la liste est bien trop longue pour tous les citer. Puis en 2007 quelqu’un est arrivé pour leur faire un peu d’ombre, le franco-libanais Ibrahim Maalouf a sorti Diasporas.
Après la fuite de sa famille du Liban, Ibrahim Maalouf suit à Paris de solides études musicales, et apparaît sur une flopée d’albums aussi variés les uns que les autres d’Amadou et Mariam jusqu’à Thomas Fersen. Pour plus d’informations, il est utile de lire sa biographie !
Mais il est surtout plus intéressant de se plonger dans son triptyque lancé avec Diasporas (2007), prolongé par Diachronism (2009) et terminé en 2011 par Diagnostic. D’ouvrir ses oreilles sur un jeu qui mêle tradition arabe, et des influences rythmiques et mélodiques à n’en plus finir ; les disques du musicien sont des voyages, des rêveries et des explosions qu’il convient de déguster presque religieusement. Une introduction solennelle au piano avec « Lily (is 2) » qui mène dans les Balkans avec « Will soon be a woman ». « Maeva in the Wonderland » développe des changements rythmiques qui font écho à l’Amérique du Sud quand « We’ll always care about you » s’amuse autour d’un thème de Mickaël Jackson. Vous l’aurez compris, Ibrahim Maalouf ne se refuse rien. Et il aurait tort de s’en priver car au-delà de son génie des mélanges, l’artiste est multi-instrumentiste et délaisse parfois sa trompette pour le piano, la basse, les percussions ou encore le chant. Le voyage se poursuit avec la voix d’Oxmo Puccino sur « Douce » ; et la force du titre nous fait en effet glisser « dans la douce transe (…) légèreté à outrance ». Car de la musique d’Ibrahim Maalouf, au-delà de son talent pour le jazz, transpire un sentiment humaniste, quasi mystique, que l’on effleure avec « All the beautiful things » et dans lequel on plonge carrément avec « Beirut ». Un titre à part. Un titre écrit il y a longtemps, en 1993. Et c’est lui qui en parle le mieux : « Beirut est une mélodie que j’ai composée en 1993, en me baladant pour la première fois dans les rues de Beyrouth, et en découvrant aussi pour la première fois la musique de Led Zeppelin. J’avais mon walkman, mon sac à dos et un appareil photo jetable. J’ai demandé à une personne dans la rue de me prendre en photo en train d’acheter une kaaké* sur la Place des Martyrs, dans le centre-ville. Je n’oublierai jamais ce jour-là. En juillet 2006, j’ai décidé de rejouer « Beirut ». C’est ma manière de résister contre les guerres, les cicatrices et les souffrances. »
* kaaké : pain au sésame
Diagnostic, un disque paru chez Mi’ster Prod le 29 septembre 2011
Le site officiel d’Ibrahim Maalouf
Un bon dossier chez Accent presse
Souffle, une rencontre avec l’artiste réalisée par Christophe Trahand